Le destin
Le destin
Après une année d’études d’art en Angleterre où elle se fait quelques shillings comme chanteurs dans un pub londonien, la voici de retour à Genève et aux petits boulots : secrétaire d’un – mauvais – écrivain; chauffeuse pour Avis-Rent-A-Car; hôtesse d’accueil pour Swissair… Elle décroche finalement un diplôme dans une école de secrétariat : « Le seul diplôme sérieux de ma carrière », ironise-t-elle, « je ne sais même pas où je l’ai fourré ! ». Après un premier mariage raté, elle revient au monde qu’elle aime, le monde de l’art. Elle est engagée par le galeriste genevois Jan Krugier, dont elle sera pendant cinq ans l’assistante, puis la compagne.
Jan Krugier est un rescapé des camps d’extermination nazis. Avec lui, Laurence apprendra beaucoup. Sur l’art contemporain, mais pas seulement. Les récits de Jan lui dévoileront jusqu’à quel point peut aller l’abjection et la noirceur de l’âme humaine.
En juin 1967, Laurence a trente ans. Fatiguée des courbettes propres au milieu de l’art branché, elle décide sur un coup de tête et un coup de bluff (elle n’a ni carte de presse, ni rédaction derrière elle, et à peine quelques sous) de partir pour le Proche-Orient couvrir la guerre qui vient d’éclater entre Israéliens et Arabes, cette guerre que l’on appellera plus tard la Guerre des Six jours, et qui sera suivie de tant d’autres. Laurence ne connaît rien de ce conflit. Elle a vaguement entendu parler d’un “problème palestinien”, sans plus. Elle ne sait pas se servir de l’appareil photo qu’elle vient d’acquérir, pourtant, elle n’hésite pas à foncer dans l’inconnu sans se douter que ce jour-là, elle part à la découverte d’elle même : « On l’aura compris, le baptême de guerre qui fut le mien, en cet été de 1967 en Jordanie, transformera tout mon être ». Rusée comme une renarde, elle sera la seule journaliste à réussir à se faufiler dans une Syrie vaincue, humiliée par Israël et désormais totalement verrouillée. C’est ainsi qu’en septembre 1967, le tout premier reportage de sa vie sort à la Une du Journal de Genève sous le titre « Syrie, coup d’œil dans le camp des vaincus ». Un scoop. Elle a trouvé sa voie.